253), on peut trouver des idées personnelles de l’auteur. Où l’Abstrait sans figure a pour corps les idées. On pourra objecter qu’il a exagéré, qu’il a été aveuglé par sa haine du « bourgeois », et cependant M. Thureau-Dangin, peu suspect de partager les antipathies de Flaubert, ne porte pas un jugement très favorable à la bourgeoisie : « On prétendait que le règne de cette classe aboutissait à rétablir une nouvelle féodalité, la « féodalité financière », ou pour parler comme Proudhon, à remplacer l’aristocratie par la « bancocratie »… On peut mettre en regard de l’Éducation sentimentale l’opinion de l’historien de la Monarchie de Juillet, M. Thureau-Dangin, sur la même époque : « Pour le vulgaire, la gouaillerie cynique de Vautrin ou de Robert Macaire, pour les raffinés le dégoût désespéré de Rolla, est-ce donc là qu’est arrivée, en quelques années, cette génération que nous avions vue, à la fin de la Restauration, si riche d’espérances, si confiante dans son orgueil, et qui avait cru trouver dans la révolution de 1830 le signal de sa pleine victoire ? Combien d’autres, aussi ambitieux et plus obscurs, se taillaient des rôles à l’avance dans la future révolution et s’apprêtaient à jouer les conventionnels ou les généraux « de vingt ans ».
Plus tard la vue du Palais-Royal provoque chez lui cette évocation de la Révolution française : « Ah ! Deslauriers et Frédéric se confient leurs projets, Deslauriers les mêle aussitôt à une idée de révolution : « … » dit Frédéric à un ouvrier. On ne parlait pas de Lamartine sans qu’il citât ce mot d’un homme du peuple : « Assez de lyre ! ’était plus beau, quand Camille Desmoulins, debout là-bas sur une table, poussait le peuple à la Bastille ! Mais elle avait deux causes de faiblesse : l’une était sa rupture avec l’aristocratie de naissance, que l’aristocratie d’argent ne suppléait pas ; l’autre était la part insuffisante faite, dans sa vie morale, au christianisme, que ne pouvait pas non plus remplacer la philosophie éclectique, alors officiellement investie du gouvernement des âmes, mais incapable de répondre à toutes leurs questions, de satisfaire à tous leurs besoins… Dans le premier chapitre de cette Histoire, nous avons cherché à faire connaître la patrie de la Pomme de terre, c’est-à-dire les contrées où elle vit à l’état sauvage, sans le secours de la main de l’homme, pour s’y développer et s’y reproduire en toute liberté. Car enfin, plus ou moins, nous sommes tous des ouvriers !
Mais ce qu’il avait le plus à cœur, c’était de m’interroger ; car sachant que j’étais de Paris, il me supposait plein de toute la connaissance qui fût au monde et il me fit les questions les plus naïves. Il me raconta qu’il venait de quitter le dîner où ses amis étaient rassemblés, parce que l’on y parlait politique et que c’était indécent pour des gens d’esprit. Tout cela pour le voir finir agent de police au 2 décembre et meurtrier d’un de ses amis. Pour le 2 décembre Flaubert semble avoir tiré bon parti de ses souvenirs personnels. Mme de Sévigné après avoir dansé avec Louis XIV, disent : Quel grand roi ! Un système si bon, un roi si sage ! Tout d’abord les bourgeois sont désemparés : leur système de gouvernement est renversé, ils n’ont plus le pouvoir et n’ont jamais eu de principes ; c’est l’effondrement pur et simple ; Flaubert s’en donne à cœur joie aux dépens des « hommes pondérés », qui croient prévoir les événements et les trois quarts du temps sont trompés par eux. Il a bien observé l’évolution politique de cette bourgeoisie, qui, libérale avant 1830, était devenue férocement réactionnaire une fois au pouvoir.
Ce n’est pas seulement, tu le devines, pour la foule imbécile de tous ces baigneurs ; mais pour une personne aux yeux de qui, pour tout au monde, je ne voudrais pas déchoir. Il n’est pas douteux que Flaubert n’ait voulu traiter d’histoire politique en écrivant l’Éducation sentimentale. Le personnage de l’Éducation qui symbolise la bourgeoisie orléaniste est M. Dambreuse. « Somme toute, il (Dambreuse) se réjouissait des événements, truffes et nos champignons séchés il adoptait de grand cœur « notre sublime devise : Liberté, Égalité, Fraternité, ayant toujours été républicain au fond ». « De tous les Français, celui qui tremblait le plus fort était M. Dambreuse. Au moins alors chacun a la responsabilité de ses actes ; celui qui se trompe est puni et se redresse. Il est certain, dis-je, que l’élément mystique, si combattu, vit toujours dans l’humanité ; qu’il y a dans l’histoire des faits inexplicables, Truffes noires d'été fraîches et qu’en plein dix-neuvième siècle, à côté du magnétisme étudié dans les villes, malgré les chemins de fer qui se multiplient, malgré l’instruction qui se répand, et malgré la loi, il y a toujours des sorciers dans nos campagnes. On a pareillement observé parmi les nations ichthyophages des exemples nombreux de longévité, soit parce qu’une nourriture peu substantielle et plus légère leur sauve les inconvénients de la pléthore, soit que les sucs qu’elle contient, n’étant destinés par la nature qu’à former au plus des arêtes et des cartilages qui n’ont jamais une grande durée, l’usage habituel qu’truffes noires en tranches et huile de truffe blanche font les hommes retarde chez eux de quelques années la solidification de toutes les parties du corps, qui devient enfin la cause nécessaire de la mort naturelle.